La Taxonomie Européenne représente une étape transformatrice dans l'intégration de la durabilité au cœur de la finance et de l’économie de l'Union Européenne (UE). Née d'une prise de conscience environnementale croissante et de la nécessité d'une action coordonnée, elle vise à standardiser ce qui est considéré comme une activité économique durable.
Cet article retrace les étapes clés du développement et du déploiement progressif de la Taxonomie européenne et son rôle croissant dans l'orientation des investissements verts, reflétant l'engagement de l'UE à concilier croissance économique et préservation environnementale.
Avant 2018 : Les premières fondations
La genèse de la Taxonomie européenne remonte aux premières prises de conscience de la nécessité d'une action coordonnée pour lutter contre le changement climatique, qui se manifeste notamment par l'adoption de l'Accord de Paris en 2015.
L'UE, cherchant à prendre le leadership en matière d'action climatique, a reconnu la nécessité d'aligner les flux financiers avec un chemin vers une économie bas-carbone et résiliente aux changements climatiques.
En 2016, la Commission Européenne a formé un groupe d'experts pour explorer comment la finance peut contribuer aux objectifs climatiques et environnementaux de l'UE, jetant ainsi les bases de ce qui deviendra la Taxonomie européenne.
2018 : L'Année Pivot
En mars 2018, la Commission Européenne lance un plan d'action ambitieux pour financer une croissance durable, jetant les bases de la Taxonomie européenne (Plan d'Action sur la finance durable / Action Plan on Financing Sustainable Growth), et qui met en lumière la nécessité d'une taxonomie des activités durables comme première étape vers une transition écologique de l'économie.
La Commission européenne propose de créer une Taxonomie pour les activités durables, visant à clarifier quels investissements peuvent être considérés comme écologiquement durables.
2019 : Structuration et Propositions
La Commission présente la proposition de règlement de la Taxonomie, établissant les critères pour déterminer si une activité économique est écologiquement durable et ouvre, en mars 2019, une consultation publique sur la Taxonomie, recueillant les avis des parties prenantes sur les futures réglementations.
Un groupe d'experts techniques sur la finance durable (TEG) a été formé pour développer les premiers critères de la Taxonomie. Leur travail a consisté à établir des lignes directrices claires sur ce qui pourrait être considéré comme une activité économique durable, en prenant en compte des facteurs tels que la réduction des émissions de gaz à effet de serre, la préservation de la biodiversité et la promotion de l'économie circulaire.
2020 : Adoption du Règlement de la Taxonomie européenne
En juin 2020, le Parlement Européen et le Conseil de l'UE adoptent le règlement de la Taxonomie, marquant l'officialisation de la classification.
2021 : Mise en Application et Élargissement
En janvier 2021 les premiers actes délégués, détaillant les critères techniques pour les deux premiers piliers, à savoir l'atténuation et l'adaptation au changement climatique, sont publiés.
Et en avril 2021, la Taxonomie est intégrée dans la législation de l'UE, avec des obligations pour les entreprises de rendre compte de leur alignement avec la Taxonomie.
2022 : Évaluation et Extension
Des consultations et des révisions continues permettent d'affiner la Taxonomie, assurant qu'elle reste pertinente et basée sur les meilleures connaissances scientifiques disponibles.
L'UE travaille à des révisions pour inclure d'autres activités durables et répondre aux évolutions environnementales et réglementaires.
Sont notamment intégrées en février 2022 les énergies du gaz et du nucléaire, qui ont "un rôle à jouer pour faciliter le passage aux énergies renouvelables" et à la neutralité climatique. Après son adoption par le Parlement et le Conseil, le texte est entré en vigueur le 1er janvier 2023.
2023 et 2024 : Intégration des 4 autres piliers et entrée en vigueur de la CSRD
L’année 2023 voit l’entrée en application des textes concernant les 4 autres objectifs :
- Utilisation durable et protection des ressources aquatiques et marines,
- Transition vers une économie circulaire,
- Prévention et réduction de la pollution,
- Protection et restauration de la biodiversité et des écosystèmes.
Par ailleurs, le 5 janvier 2023, la directive sur le reporting en matière de développement durable des entreprises (CSRD – Corporate Sustainability Reporting Directive) est entrée en vigueur. Cette nouvelle directive modernise et renforce les règles concernant les informations sociales et environnementales que les entreprises doivent communiquer.
Un plus grand nombre de grandes entreprises, ainsi que des PME cotées en bourse, seront désormais tenues d'établir des rapports sur le développement durable.
Ainsi, depuis 2024, plus de 50.000 entreprises en Europe sont directement concernées par la Taxonomie européenne, contre 11.400 auparavant.
Ce rapide panorama des grandes étapes de la mise en place de la Taxonomie européenne illustre la détermination des Autorités européennes à construire un cadre global cohérent permettant de faire de l’Europe le continent leader de la transformation écologique de son économie.
Bien que nous ne soyons qu’au début de son déploiement, et malgré les défis liés à sa mise en œuvre au sein des entreprises, la Taxonomie européenne oriente d’ores et déjà la politique d’investissement des principaux organismes financiers et commence à s’imposer comme le cadre de référence pour les activités des entreprises, même si elle est encore imparfaite et complexe.
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